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Aïe, ouille, ayoye!

Publié le 2 octobre 2010 par Entraide Fibromyalgie Ouest

 

  Non, je ne vais pas cette semaine parler des élections qui approchent, mais d'un sujet toujours d'actualité, la douleur chronique. Pour tous ceux qui ont constamment des douleurs et ne trouvent pas de répit. Parfois, on connaît la maladie et il n'y a pas de remède; parfois, on ne sait quel diagnostic poser. On parle d'une personne sur cinq au Canada, soit environ six millions. Si on ajoute tous les proches qui sont affectés, ça fait beaucoup de monde!

Certains ont tout perdu: job, conjoint, amis. Certains ont la vie devant eux, mais ne peuvent en profiter. Certains prennent des médicaments pour la dépression, le sommeil et la douleur. Le corps médical est impuissant. Pour des raisons souvent inconnues, le cerveau émettra des signaux qui sont interprétés comme de la douleur et s'y greffe assez rapidement la composante psychologique et émotionnelle, mais elle semble secondaire aux composantes physiologiques. De toute façon, pas facile de comprendre le phénomène de la douleur, car il est possible que ce qui l'a déclenchée ne soit pas ce qui la maintient. Puisque des gens amputés continuent à souffrir de leur membre, à ressentir brûlures, engelures, picotements, il a bien fallu admettre que le centre de la douleur est activé dans le cerveau et qu'il garde en mémoire la représentation du membre en question.

Les facultés de médecine ne donnent que quelques heures de cours sur le sujet... et pourtant, huit patients sur dix parlent de douleur lorsqu'ils consultent. Toutefois, on commence à accorder des fonds de recherche alors qu'auparavant, on disait: vous avez un bon curriculum vitae, un laboratoire bien équipé, mais pas un bon projet.

Imaginez une femme active qui, après un choc (heurte un orignal, par exemple), déclenche douleur et fatigue chronique, la fibromyalgie. Elle ne peut plus travailler. Même pas les tâches du quotidien. Elle est monoparentale. Comment nourrir ses enfants? Et elle se fait dire: «Moi aussi j'ai des migraines, des douleurs, de la fatigue, alors secouez-vous, c'est dans votre tête». Bien sûr que c'est dans la tête, là où est le cerveau, mais le mal n'est pas causé par un scénario imaginaire. Il part d'abord du réel et, bien sûr, il peut être amplifié par les stress de la vie et la façon de réagir. Car quand la douleur s'installe de façon permanente, il y a des éléments psychologiques qui peuvent l'amplifier: la colère, la peine, la déprime, et il y a des distorsions cognitives, et plus, sur lesquels on peut travailler. La cause première de la fibromyalgie n'est pas psychologique, car même lorsque les facteurs de stress sont sous contrôle, le corps donne encore cette réponse de douleur et de fatigue. Heureuse nouvelle toutefois: la science médicale commence à admettre les causes physiologiques de la maladie, bien qu'on nage en zone inconnue. Au moins, la personne ne passera pas pour une «folle».

Les cliniques de la douleur existent, mais les spécialistes sont débordés et eux aussi sont parfois impuissants. Et les médicaments sont plus souvent qu'autrement inefficaces, et que pour calmer temporairement. Des tablettes entières dans les pharmacies en témoignent. Les patients ingurgitent parfois des quantités astronomiques de pilules. Comme la douleur gruge constamment, rares sont ceux qui peuvent éviter les antidépresseurs. Ils sont dans le deuil quotidien, car il faut parfois accepter de ne plus pouvoir être actif comme avant ou même de faire de simples gestes du quotidien. Parfois la personne a de la difficulté à se laver, à s'habiller (qui pense à ces gestes habituels du quotidien?), et il y a travail à temps plein avec rendez-vous médicaux, physiothérapeute, acuponcteur, chaman amérindien, thérapies nouvel âge, infiltrations de cortisone ou autres produits qui soulagent la douleur dans certains cas, mais ne peuvent être administrés ad vitam aeternam. Ou encore il y a un prix à payer si la personne fait une quelconque activité. Parfois elle attend de l'argent qui ne vient pas, des assureurs qui ne veulent pas payer, des poursuites judiciaires interminables. La vie finit par tourner autour du malaise, et les amis ainsi que la famille prennent le bord. Comment avoir une conversation stimulante quand l'individu ne pense qu'à sa douleur et ne peut parler de ses exploits ou de ses petites joies du quotidien? Cela mobilise l'entourage, surtout pour la conduite automobile. En effet, si vous devez vous rendre à Moncton, à partir de Lac-Baker, ou au centre de réadaptation de Grandbay, près de Saint Jean, 30 fois dans un an, qui va vous y conduire si vous ne le pouvez pas? Et qui va perdre sa journée de travail?
Bien sûr, il faut se prendre en main. Bien sûr, on doit se nettoyer le système: arrêt des cigarettes, alimentation saine, méditation, exercices. Et changer sa façon de penser. Et le groupe d'appui doit aller en ce sens. La ligne est mince entre aider et surprotéger. Il faut aider la personne souffrante à élargir sa marge de manoeuvre, qu'il faut mobiliser avec une fermeté chaleureuse et sans encourager l'apitoiement. La personne ne peut plus faire de travaux ménagers, mais on peut l'inciter, par exemple, à ramasser de petites fraises des champs, ce qui est valorisant et donne un dessert savoureux. En plus de prendre l'air.
Comment décrire une douleur et son intensité? Une pauvreté du langage comme pour l'odorat. Il y a beaucoup de subjectivité. Le médecin demande de la décrire. «Eh bien, docteur, ça dépend. Parfois ça pique, ça brûle, ça élance, ça chauffe, ça déchire, ça irradie, ça pulse. Parfois elle est lancinante, fulgurante. Et bien sûr, docteur, elle est sourde aussi!» «Et elle est toujours là?» «Non. Elle est parfois fugace, parfois intermittente, parfois aiguë durant des heures. Et même quand j'ai un répit, je la sens tapie dans l'ombre. J'ai pris toutes sortes de pilules sans amélioration.»

Ayoye !

Il devrait y avoir dans le nord de la province un centre spécialisé pour soulager les douleurs et pour éviter ce stress supplémentaire de déplacements interminables sur de longues distances. Sans oublier les coûts. En attendant, il est permis de rêver!

Aie, ouille, ayoye !

Par Claude LeBouthillier

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