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Fibromyalgie : le témoignage de David “La maladie oblige à se réinventer une vie… “

Publié le 21 décembre 2014 par Entraide Fibromyalgie Ouest

 

David est fibromyalgique. Comme bien d’autres personnes atteintes de cette maladie, il est passé par une longue période d’errance médicale avant qu’un nom soit enfin posé. Aujourd’hui, il compose au jour le jour selon ses symptômes et milite pour une reconnaissance de la fibromyalgie. 

Mais au-delà, David est un auteur qui pose des mots et un regard réaliste mais positif sur la maladie : “Je tente d’avoir la vie la plus normale possible, même si c’est très loin d’être évident et d’être la vie idéale il faut bien le dire. Mais la maladie oblige à se réinventer une vie…”

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? 

J’ai quarante-trois ans, je vis en région parisienne ; ancien sportif, passionné d’écriture, de lecture, de musique tant à écouter qu’à pratiquer. Je suis en télétravail depuis deux ans maintenant, aménagé par mon employeur, seule condition qui me permette encore d’exercer une activité professionnelle, alors que je me dirigeais vers une retraite pour invalidité à un taux nul car bien qu’étant polypathologique la médecine du travail tend à mettre tous les problèmes de santé sous la seule étiquette de la fibromyalgie.

Vous êtes atteint de fibromyalgie, pouvez-vous nous raconter votre parcours avec la maladie, les premiers symptômes, le diagnostic… ? Comment vivez-vous avec aujourd’hui ? 

Mon parcours est bien plus détaillé dans mon livre « la fibromyalgie, autopsie d’une douleur au zénith », paru aux éditions Brumerge et aux éditions Le Mercure Dauphinois en seconde édition ; il est préfacé par le Docteur Philippe Tollié, et Renaud Hantson, un artiste exceptionnel.

Néanmoins, pour faire simple, je me suis réveillé un beau matin il y a près de vingt ans, avec des douleurs effroyables des pieds à la tête, comme si j’avais été passé à tabac. Aucun coup de semonce, aucun événement précis, hormis le fait que je venais de me marier… donc un événement positif ! Douleurs, épuisement étaient et sont toujours les maux qui dominent cet enfer quotidien. Le diagnostic a réellement été posé six ans plus tard. Six années d’errance médicale, de torture mentale, morale, physique, sans savoir pourquoi, sans mettre un terme précis sur le mal qui me rongeait. Torture psychologique, car bien qu’on en parle beaucoup plus aujourd’hui en 2014, cette maladie a toujours fait l’objet d’une incroyable discrimination médicale, et à chaque rendez-vous le discours était identique : « faites une bonne psychothérapie et vous verrez que vos douleurs disparaîtront comme par enchantement ». Bref, un discours humiliant, minant, et terriblement injuste, et qui plus est faux.

Aujourd’hui, près de vingt ans plus tard après ce réveil qui a bouleversé ma vie, d’autres choses sont venues se greffer sur la fibromyalgie ; sont-elles liées ou pas, nul ne sait. Mais je m’efforce de vivre le mieux possible avec. Je tente d’avoir la vie la plus normale possible, même si c’est très loin d’être évident et d’être la vie idéale il faut bien le dire. Mais la maladie oblige à se réinventer une vie… Il faut déjà accepter cette horrible maladie, ce qui n’est pas facile ; et même en l’ayant acceptée, il n’est pas rare de douter et de vouloir tout envoyer valser tellement c’est dur à supporter. J’ai la chance de pouvoir continuer à travailler de chez moi, en télétravail, ce qui aide à garder un lien social, humain. Je me force à bouger, marcher, monter les escaliers malgré les douleurs ; je refuse de m’apitoyer sur mon sort, et que les autres le fassent envers moi aussi, et je refuse de passer mon temps au lit sous prétexte que les douleurs sont trop fortes. Je suis un ancien sportif et le maître mot dans le sport était « tant que tu ne souffres pas, c’est que tu ne travailles pas ». J’ai gardé cette mentalité et même si je ne peux plus faire de sport aujourd’hui cela m’aide quotidiennement j’en suis certain.

Mais cela dit, il faut composer chaque jour avec les billes que l’on a dès le réveil ; parfois on a une bille en plus ou en moins, et il faut savoir les utiliser à bon escient pour ne pas les gaspiller tout au long de la journée et se retrouver en milieu de journée en n’ayant plus la moindre bille à jouer.

Il faut se ménager tout en se forçant à faire les choses pour ne pas s’engluer dans une routine mortelle et angoissante ; ça peut paraître paradoxal, mais l’épuisement et la douleur ne donnent envie que d’une chose : se replier sur soi, se coucher et dormir ; dormir pour oublier, ne plus avoir mal. Mais c’est un cercle vicieux dans lequel je ne veux pas rentrer.

Donc je vis au jour le jour, le mieux possible, qu’importe la difficulté ; je suis à l’écoute de mon corps jusqu’à une certaine limite. Mais je refuse que cette maladie me dicte intégralement sa volonté. Je joue de la guitare, et parfois jouer est tout simplement impossible du fait des douleurs ce qui est terriblement frustrant ; mais cela ne m’empêche pas de prendre ma guitare ou ma basse et de tenter de jouer chaque jour ; si je n’essaie pas, si je ne me force pas, comment saurais-je que je peux à nouveau en jouer et que les douleurs sont suffisamment supportables pour y arriver ?

Vous écrivez dans votre blog ”la maladie n’est pas une finalité, elle est un renouveau qu’il faut apprivoiser”, pouvez-vous nous en dire un peu plus ? 

Effectivement, la vie ne s’arrête pas avec la maladie ; au contraire, c’est un apprentissage pour vivre autrement, aussi absurde que cela puisse paraître.

Il faut apprivoiser la maladie, l’accepter, c’est là le premier pas. Il prend plus ou moins de temps selon les gens, mais il est vital. Une fois que ce cap est passé, il faut réapprendre à vivre en tenant compte des nouveaux paramètres, des difficultés, de cette pathologie, des limites physiques. C’est le cas pour chaque handicap d’ailleurs.

Combattre une maladie nous apprend beaucoup sur nous ; il ne faut pas ressasser sans arrêt « oui, mais avant je faisais ça, j’étais comme cela, etc. », car c’est vers l’avenir et surtout vers le présent qu’il faut se tourner. Cela prend du temps, mais il faut se fixer des objectifs simples et s’y tenir, avancer coûte que coûte sans se lamenter sur son sort, aussi difficile soit-il.

Il ne faut pas avoir peur des douleurs ; la peur paralyse, et ne va pas nous aider, bien au contraire. D’où le fait d’apprivoiser la douleur, la maladie, apprendre à la connaître, composer avec elle, jouer une nouvelle partition qui nous permette d’avancer ; peu importe la vitesse à laquelle on avance, l’important est d’y arriver, de mettre un pied devant l’autre et de garder les yeux rivés sur le but que l’on se fixe.

Comme l’a dit Gainsbourg, et c’est ma manière de penser : « Je connais mes limites. C’est pourquoi je vais au-delà ». Même si cela a été rédigé dans un autre contexte, cette phrase s’applique merveilleusement à la fibromyalgie et à la manière dont il faut l’appréhender.

Vous êtes un passionné, en particulier de l’écriture, puisque vous tenez un blog, mais vous êtes également l’auteur de 2 livres. Pouvez-vous nous raconter ce qui vous a amené à écrire ?

 J’en avais profondément envie depuis mon enfance en fait, c’était un désir très ancien. Cela remonte à mes onze ans. J’avais un ami dont le père est écrivain et nous nous étions dit que nous allions écrire ensemble un livre. Ce projet ne s’est pas réalisé car nos parcours se sont séparés, mais cela a été le déclencheur.

Et justement, j’ai été en arrêt de travail durant trois ans et demi, et je me suis donc fixé l’objectif d’écrire un livre, de réaliser ce rêve que j’avais depuis si longtemps en moi ; un objectif simple d’une certaine manière, mais qui prend beaucoup de temps, un objectif passionnant toutefois !

J’ai eu la chance de trouver des personnes formidables sur les réseaux sociaux, et leur aide a été très formatrice. Cela m’a aidé à mieux vivre ma maladie et à faire de belles rencontres.

Mon premier livre « Mauvaises Ondes » est un recueil de nouvelles noires, très noires, littérature que j’apprécie particulièrement.

Le second parle de la fibromyalgie naturellement, j’en parlais plus haut. Il m’a offert l’occasion de rencontrer Renaud Hantson, un artiste que j’aime particulièrement et un homme profondément humain ; il a accepté de préfacer cet ouvrage, car il est déjà sensibilisé à la maladie du fait de son implication dans la lutte contre la sclérose en plaques. J’aimerais que d’autres artistes soient sensibilisés à cette thématique de la douleur au travers de la fibromyalgie, et se mobilisent pour monter un gala annuel. Mais cela ne semble malheureusement pas le cas à ce jour

Beaucoup d’articles de votre blog, ainsi que votre deuxième livre “La fibromyalgie Autopsie d’une douleur au zénith…” sont consacrés à la fibromyalgie, maladie encore peu reconnue. Est-ce important pour vous de parler de cette maladie ? 

Ce n’est pas simplement important, c’est là aussi vital, car si personne ne parle de la fibromyalgie, qui le fera à notre place ? Mon blog était à la base littéraire ; puis il est devenu quasiment intégralement dédié à cette cause. Les malades doivent monter au créneau, doivent interpeller les politiques, les autorités médicales, chaque personne doit le faire ! Nous ne pouvons pas attendre que les associations (dont je parle aussi dans mon livre) le fassent en notre nom ! Nous sommes plus de trois millions de fibromyalgiques en France selon les statistiques, imaginez un peu si chaque fibromyalgique écrivait une fois par mois, même un courrier type, au gouvernement, au président de la République, au ministère de la Santé, à la Haute Autorité de la Santé, et j’en passe…

Quand je vois que certaines pétitions peinent à rassembler quelques milliers de signatures, je me demande, mais où sont les malades ?!?!

Il ne faut pas attendre que l’on agisse à notre place, car on risque d’attendre très longtemps, mais si nous voulons une reconnaissance et une prise en charge, nous sommes les propres acteurs de ce film qui se tourne actuellement, et si nous voulons que ça paie, il nous faut lutter, tous autant que nous sommes !

C’est aussi ce que je cherche à faire, aider, encourager les malades à agir ; je suis allé jusqu’à faire des modèles de lettres cette année à envoyer à différentes institutions ; il n’y avait qu’à ajouter son nom, son adresse, et à envoyer le courrier soit en l’imprimant et en le timbrant, soit en l’envoyant électroniquement via le site internet de La Poste.

Quels sont vos prochains projets ? 

Mes projets viennent au jour le jour. J’ai bien des idées pour de nouveaux livres également. 

Pour terminer, avez-vous un message à faire passer ? 

Le message que je souhaite faire passer a déjà été largement mis en avant dans les questions précédentes.

Mais je tiens à dire que nous devons tous agir individuellement, pour nous, mais aussi pour nos enfants, pour les générations à venir ; trois millions de fibromyalgiques en France, cela ne peut pas passer inaperçu, les malades doivent se mobiliser, même si écrire un simple courrier se fait sur plusieurs jours, cela n’est pas important ; ce qui l’est en revanche c’est de manifester notre indignation face à la manière humiliante, dégradante, inhumaine dont nous sommes traités, car rien n’est fait pour nous et de nombreux malades se retrouvent sans rien du jour au lendemain sans aide, sans travail, sans soins, car ils ont la malchance d’avoir une maladie que la France ne reconnaît pas réellement, et pour laquelle aucune disposition n’est prise contrairement aux couleuvres que veulent nous faire avaler les autorités politiques et médicales.

Nous n’avons jamais autant parlé de fibromyalgie ! C’est maintenant qu’il faut agir, tous autant que nous sommes ! Nous sommes tous responsables de nos actes, nous devons tous être des acteurs de cette reconnaissance et de cette prise en charge que nous attendons et demandons ! N’attendons pas pour écrire en pensant qu’untel va le faire à notre place. Agissons, ne nous décourageons pas, et même si nous n’avons pas de réponse ce n’est pas grave, recommençons régulièrement, encore et encore, on finira bien par nous entendre et avoir une solution. Demandons à nos ami(e)s, familles, collègues, de le faire également, cela finira bien par porter des fruits, il faut y croire… Tout est possible, nous n’avons rien à perdre puisque nous n’avons rien pour cette maladie. Tout est à gagner, tout espoir est autorisé et nécessaire ! Espérons et agissons…

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